mardi 28 mai 2013

Away from home

     Parfois il faut partir loin de chez soi pour apprendre des choses sur sa propre rue. Et parfois quand on ne veut pas partir de chez soi, des gens vous y obligent.
Ironie du sort, c'est à Rio que je découvre qu'avant la construction de Beaubourg, où je passais tous les jours ou presque, l'artiste Gordon Matta Clark a créé des oeuvres dans les batiments en démolition. Comme un avant gardiste du street art, section sculpture. A ce que je comprends la mutation urbaine s'est étalée dans le temps, puisqu'il y a déjà eu des destructions sous Louis Philippe, lorsque cette zone a été déclarée insalubre.




 A Paris, comme dans la plupart des grandes villes, le paysage urbain s'est transformé et des personnes modestes ont été reléguées en périphérie. Exemple marquant il y a quelques années à Shanghai, avec la disparition des hutongs du centre ville, que j'ai pu voir avant leur destruction. Un endroit très vivant, pauvre certes mais plein de charme.





     Si les chinois ne craignent pas de faire table rase du passé pour construire du neuf sans état d'ame, et ce sont probablement les champions du monde dans ce registre; ici au Brésil ce n'est finalement pas si différent. Evidemment il ne s'agit pas d'être contre toute évolution par principe, mais tout dépend des circonstances.
A Rio la ville change de visage et la pelleteuse se montre active, au nom de ce sport qui exige de la place. Mais pas uniquement.
En face de chez moi, plus de 500 familles attendent d'être évacuées. Elles vivent ici depuis plusieurs générations, dans un flou juridique commun à la plupart des communautés. Certaines personnes ont plus de 80 ans, et sont nées ici. Mais l'affaire a été jugée et ils vont devoir partir.
Au nom de l'environnement.
Le pire, c'est que ce n'est pas pour faire un centre culturel. Ni même un stade, ni rien.
La spéculation immobilière montre son nez, on peut le supposer, car en effet la forêt de Tijuca et le jardin botanique font de ce quartier un lieu d'exception.
Les arbres ont des racines, et on ne peut pas les évacuer aussi facilement, eux.
Jusqu'à nouvel ordre.




mercredi 22 mai 2013

Sunday morning


Amis surfeurs, ce post vous est dédié!
Je ne pouvais décemment pas être si près, et ne pas y aller.
C'est donc à barra, banlieue chic de Rio de Janeiro, que je me suis rendue pour voir à quoi ressemble une étape du championnat du monde de surf.  La plage y est divine et c'est l'endroit idéal pour pratiquer tout ce qui requiert l'énergie des éléments, surf, kitesurf, et bronzette.
Il y a même des pingouins, ce qui m'a laissée incrédule la première fois que l'on m'en a parlé. Le courant froid qui passe à barra les ramène jusqu'ici. Et aujourd'hui, en plus des pingouins, on trouve dans l'eau les meilleurs surfeurs du monde.
Ce dimanche matin est plutot sympathique. Au programme muscles, tatouages et cooooolitude.



 Les jeunes (et quelques vieux qui ont l'air jeunes, il faut croire que le surf ça conserve) se pressent sur le sable pour voir le sud africain et le brésilien disputer la finale.
Je pensais ne pas pouvoir approcher du bord, mais c'était oublier l'absence de stress chez les brésiliens, et je réussis à me glisser au premier rang avec une facilité déconcertante.
Ne me demandez pas trop de détails, je ne connais rien aux figures de style de ces messieurs, mais j'ai trouvé cela esthétique, et j'ai eu envie de les photographier.






Pour le résultat des courses: le brésilien Adriano de Souza (en rouge) a hélas perdu face à monsieur T-shirt canari Jordy Smith.
    
Je suis rentrée avec un joli petit bracelet fluo, distribué par les rastafaris adeptes de Jésus!
Avec une petite carte, présentant une vague et un texte explicatif dessus, du vrai marketing de pro.
On l'avait déjà vu jouer au bowling dans le Big Lebowski, mais maintenant vous le saurez,  Jésus aime aussi le surf.

vendredi 17 mai 2013

Un jour

...je ferai une charlotte aux fraises,
un jour je grimperai le mont blanc
un jour je danserai le tango,
un jour je partirai en bateau...
on a tous une liste comme ça de choses qu'on fera un jour, sans doute.
Et parfois ces jours là n'arrivent pas, entre autres parce qu'on passe tout son temps à faire tout ce qui n'est pas sur cette liste!
Il y avait aussi, sur la mienne: un jour je ferai un truc comme sauter dans le vide. Un peu flou me direz vous.
D'abord j'avais bien pensé au saut à l'élastique. Mais en fait il me semble que je risquais surtout de me prendre une vache ou de me faire le cou du lapin. Non, merci.
Ensuite il y a bien le saut en parachute, mais je me vois forcément en treillis militaire avec du cirage noir sur le visage dans un horizon de nuages... comme je ne ressemble ni à Tom Cruise ni à Tom Hanks, j'ai renoncé.
Et voilà que se présente à moi l'occasion rêvée et un peu la rolls dans son genre, le vol au dessus des morros de Rio.



On appelle, on réserve. Le mec me dit au téléphone: C'est pour maintenant? Venez dans une heure. Ah non non, ouh là... non lui dis je, il ne faut pas non plus tester ma bravoure en me prenant de court. Il faut quand même se préparer un peu psychologiquement. Demain, c'est mieux.
Le lendemain je ne faisais pas non plus ma kamikase super zen, la vérité c'est que je ne monte plus sur des manèges depuis des années, parceque ça me retourne le ventre. Bon.
On arrive à San Conrado, là c'est un peu le zouk à l'instructeur, on se demande si finalement le gars ne va pas chopper le premier surfeur venu pour nous emmener là haut. Une jeep nous fait traverser la forêt jusqu'à la plate forme en altitude. Je me sens plus en confiance: quelqu'un nous parle, enfin. Il nous parle des saucissons et des fromages, mais enfin peu importe, je me sens plus en confiance. En haut, 2 ou 3 deltaplanes déployés nous attendent. C'est du parapente qu'on voulait faire, et je l'avais bien spécifié. Mais il faut savoir s'adapter ici, et à vrai dire on n'a plus le choix.
Quelques conseils techniques, succints. Puis on court sur la surface en bois, et on s'élance dans le vide.




 Je n'ai le temps de penser à rien, je me concentre pour être un bon co pilote pour Ricardo, ou tout du moins de ne pas mettre mes jambes et mes bras n'importe où.
       Et là...c'est encore plus formidable que tout ce que l'on peut imaginer.  Une bouffée de bonheur intense m'envahit. Outre la vue, sublime, sur les morros, avec la roche de la pedra de Gavea tout près, les 2 irmaos à gauche, rocinha qui égraine ses petites baraques, et bien sur l'Océan,  immense et plissé en dessous... outre cette vue, je sens le vent dans ce qui me semble être le prolongement de mon corps. Mes ailes.
Les forces travaillent, la gravité est là et nous la défions. Cette sensation physique est très forte et je ne m'y attendais pas. Quelle a du être l'euphorie de ces bricoleurs un peu fous qui ont réussi, après des années d'acharnement et au risque de leur vie à l'époque, à s'élancer ainsi dans le ciel...









Pour moi c'est du tout cuit, je suis Icare mais je ne finirai pas comme lui.
Nous amorçons un virage, et les vautours en dessous de nous profitent aussi de ce vent favorable.
Il claque dans la surface de nos ailes, et il nous porte un peu plus loin.
Je vois notre ombre glisser rapidement sur les vagues en bas...

Un des plus beaux jours de ma vie, oui!
Alors qu'y avait-il d'autre sur cette liste?



samedi 11 mai 2013

Sur la rivière de janvier



Nous avons rendez vous à 9h sur les quais de la praça 15.
En fait le bateau ne part qu'à 10h30. Je regarde la billeterie, pas de queue, rien. Mon ami Alexandro me dit avec un sourire: oui je sais, c'est qu'ils sont toujours en retard. C'est vrai. Et encore, il n'avait pas compté le café da manha qui peut prendre une heure aussi. Quand on va prendre des photos avec le groupe, il y a presque 2h de battement. Mais je suis du genre patient, et ces gens là me plaisent.
On monte sur le navire. Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il a l'air d'être en acier trempé, et que ça pourrait bien couler ce machin là. La foule se presse sur les pontons extérieurs. Les brésiliens adorent leur pays, les cariocas adorent Rio, et ils jouent très volontiers les touristes.





        Notre navire de guerre démarre, à grands renforts de grincements et de vrombissements.
Le pont de Niteroi  se profile devant nous, c'est le plus long de l'Amérique latine. Nous sommes sur une sorte de parking de plattes formes pétrolieres et de porte containers. Je me sens très petite d'un coup. Comment soupçonner, lorsqu'on boit innocemment sa coco sur la plage d'Ipanema, tout ces m2 de ferraille flottante å quelques km de là...j'avais beau en avoir connaissance, avoir aperçu tout cela de la ville bien sur, mais voguer en plein milieu m'impressionne très franchement.





Les passagers contemplent tout cela dans le soleil du matin. Je me demande ce qu'ils ont en tête, leurs amours, leurs chagrins...pensent ils là comme moi à ces réserves de pétrole qui mobilisent tant de gens? Une des écoles de samba avait pris ce thème pour le défilé au carnaval.
Mais l'eau est sombre. Sale. Alors que cette baie de Guanabara est un site d'une beauté à couper le souffle. L'ile de paqueta présente ces belles pierres rondes sculpturales, comme à Paraty. Je ne peux pas m'empêcher de penser, comme souvent, à ce lieu tel qu'il devait être avant le 16ème siècle, lorsque seuls les indiens se glissaient dans la forêt.
Et je vois Colombe, l'héroine de Rouge Brasil, qui après 3 mois de traversée au bord du navire de Villegagnon, plonge ses pieds dans l'eau. Face à la baie,  elle frissonne, heureuse de cette nature intacte qui s'offre à elle.







Un nouveau porte container me rappelle à l'ordre. Il est presque beau à contre jour, avec sa couleur ocre rouge. Et là, juste à coté, je vois un groupe de dauphins. Fou, ce pays.

jeudi 9 mai 2013

A bicyclette

  

    Quand on se déplace à vélo à Rio, on se rend compte que les choses sont bien différentes ici.
Primo, si on veut survivre, il ne faut pas trop compter sur le civisme des automobilistes.
Autant les brésiliens sont des amours en général quand ils sont rencontrés sous la forme de bipèdes, autant lors qu'ils sont flanqués d'un moteur et de vitres teintées il vaut mieux les considérer comme des anges exterminateurs. Même avec un enfant entre les bras, ils ne vous laisseront pas passer.
C'est la jungle.

 
      Secondo, les passants s'excusent parfois de ne pas s'écarter devant vous, chose qui m'a laissée assez perplexe les premiers temps. Mais cela répond finalement à une logique assez simple : le plus gros passe, l'autre s'efface, comme dans une sorte de chaine alimentaire. Simplement à cela vient se superposer une autre réalité, que je n'ai pas remarquée tout de suite, toute absorbée que j'étais dans une première contemplation, un peu naive, de cette société mixte et mélangée : celle des classes.
 
    Les gens de façon naturelle s'esquivent volontiers au passage des vélos, car en général le brésilien est accommodant avec l'inconnu, et s'il peut vous aider il le fera sans aucun doute. C'est donc une tendance certaine. Ce qui est plus étrange, c'est que les personnes les plus modestes s'excusent - ce qui semble un peu déplacé quand même, moi aussi je peux les éviter - tandis qu'à Leblon par contre, on se croirait à Paris, les passants vous ignorent, ou parfois même vous foudroient du regard...



   
   Bref, une fois qu'on a pris le pli, éviter les crevasses, contourner les mamies riches, passer au rouge, s'arrêter devant les voitures et se faufiler entre les gens, c'est tout à fait grisant de se balader a bicyclette.
Surtout en tongs, les orteils au vent.



jeudi 2 mai 2013

Il est des décalages qui rendent heureux

Parfois on ne comprend pas tout, et finalement cela n'est pas très grave.

On traduit les choses avec son référentiel propre, et le fait est qu'il peut être quelque peu inadapté.
Par exemple, un décalage culturel bénéfique que j'affectionne particulièrement : le pouce.
Ici on se fait un pouce, pour se dire hello je te vois, hello tu es mon pote, ou merci c'est cool...
du coup parfois je me fais des pouces avec les passants, les chauffeurs de bus, les garçons de café, les gardes des parcs...des pouces toute la journée, et sans etre une hystérique du pouce, ça m'euphorise.



C'est que les pouces, à Paris, ça ne court pas franchement les rues.
Disons qu'on l'utilise de façon tout à fait exceptionnelle pour un truc exceptionnel, ou alors quand on fait de la plongée en bouteille.  Sinon, en temps normal, quand on trouve un truc vraiment cool, on dit  que "c'est pas mal".
Donc voilà moi je traduis tous ces pouces par des moments qui sortent de l'ordinaire, et rien que ça rend mes journées un peu dingues. Il s'agit finalement d'une sorte de malentendu, comme lorsque la voisine me dit meu amor - elle n'est pas réellement amoureuse de moi, semble-t-il - et je sais que mon curseur est un peu faux, qu'il faudrait peut etre que je l'ajuste, mais je compte bien le laisser comme ça...et je dis merci Brasil querido!